La Croix de Prusère

Nous sommes en 1839, voilà 10 ans que Pierre-François Caron est curé de Lalley. Il est ce qu’on appelle un abbé missionnaire, très actif dans le rétablissement de la religion catholique telle qu’elle était avant 1789. Durant ces 10 ans, il n’a pas ménagé ses efforts pour faire de l’église paroissiale un véritable vaisseau amiral du catholicisme dans le village. Entre 1832 et 1834 sa principale action avait été la construction d’un nouveau clocher. L’ancien, simple campanile de la vieille chapelle datait du XVIIe siècle.

L’abbé Caron voulait doter l’église d’un véritable clocher. L’ancien clocher fut rasé et le clocher que nous connaissons fut édifié avec cette originale couverture en forme de bulbe en zinc, imitation de Saint-Louis à Grenoble. Maintenant qu’il a une église digne de sa mission, l’abbé Caron peut se lancer dans la ré-évangélisation des populations. Une « Mission » était une manifestation sur plusieurs jours, imposée à toute la population, composée de prières publiques, de processions ostentatoires, de confessions publiques, des messes à répétition, de retraites aux flambeaux incantatoires. L’aboutissement normal devait être des baptêmes devant la foule des croyants. Non le baptême ordinaire de nouveaux nés mais celui de mécréants ayant quitté l’église. Caron dans son courrier à l’évêque de Grenoble s’enorgueillit d’avoir à son actif deux de ces baptêmes prosélytes : « Un protestant et un illuminé » sic.

La croix de Prusère ou de Pélousère comme on disait à l’époque, est le symbole de cette mission, mise en place dans les mois qui suivirent pour rappeler à tous cette période de communion générale plus ou moins volontaire dans un village ou la pratique religieuse avait beaucoup reculé depuis la révolution.

Durant 175 ans la croix installée par l’Abbé a dominé le carrefour à la confluence des rues de Prusère et de Côte Belle. Elle tenait et personne ne s’est préoccupé de l’évolution du monument. La pluie, la neige, le gel ont pourtant fait leur travail de dégradation. La croix était devenue dangereuse. Il fallait restaurer l’ensemble. L’artisan de cette résurrection fut Marc Peters. Dans un premier temps, après que la croix elle-même ait été retirée ainsi que la pierre de soutien. Le premier travail de Marc fut de consolider le socle du monument qui présentait de nombreuses faiblesses.

La pierre qui soutenait la croix elle-même était la plus abimée et non réparable. Deux options était possible : Faire faire une copie en pierre ou réaliser un soutien en béton. Finalement c’est la seconde solution qui a été retenue pour des raisons budgétaires. Nous avons voulu conserver l’ancienne pierre qui pourra toujours servir de modèle si un jour la possibilité d’une restauration à l’identique se faisait jour. Merci à Marc PETERS pour le travail qu’il a effectué afin que la commune de Lalley puisse continuer à jouir d’un élément de son patrimoine.

Ceux qui regardent avec attention la croix de 1839 s’apercevront qu’à sa croisée une petite plaque a été apposée. Elle porte la mention « Mission 1941 ». On a peu de renseignements sur cette mission conduite par l’abbé Jay curé de Lalley de 19 à 1951. Mais on peut imaginer à la vue de la date et des enjeux de l’époque que le curé Jay a voulu ressouder la communauté, raviver la foi catholique.                      JF CLAUDE